Sans gravité

« Mettre nos vies en suspension, le temps de s’interroger sur notre vrai rapport au réel »
Atelier de sensibilisation à la création contemporaine en art de la magie nouvelle, avec conception et réalisation collective d’une exposition photographique illustrant des facettes de l’illusion visuelle, tel était le programme de la semaine de pratique artistique de la classe de terminale SAPAT A du LPA de Mugron qui s’est déroulée du 4 au 7 mars 2014, sous la conduite du magicien Rémi LASVENES de la compagnie toulousaine Sans gravité et du photographe Arthur BRAMAO.

Le courant artistique de la magie nouvelle, en plein essor, revendique dans son manifeste l’utilisation des procédés magiques pour soutenir un propos dans des champs d’expression pluriels (cirque, théâtre, danse, vidéo) et non comme une fin en soi. Il s’agit d’«étudier le réel sous toutes ses formes pour mieux le détourner, faire appel à des techniques anciennes comme aux nouvelles technologies : impulser à chaque fois l’acte créatif, usant de la magie comme d’un moyen de transformation infinie du monde».
Créée en 2009 par les artistes circassiens Rémi LASVESNES et Julien LEFEBVRE, formés au jonglage, à la musique et au clown, la compagnie Sans gravité aborde un univers atypique à la confluence du cirque contemporain et de la magie nouvelle. Rémi LASVESNES explore ainsi les frontières entre magie nouvelle, jonglerie et travail rythmique, en défiant les lois de la gravitation : «Sans prendre les choses à la légère, nous nous appliquons à relativiser la gravité. Par notre approche du cirque et de la magie, nous questionnons la pesanteur des corps, de l’objet et du quotidien. Nous aimons croire qu’il est possible de mettre nos vies en suspension, le temps de s’interroger sur notre vrai rapport au réel… Si le doute plane, les réponses, elles, sont évidemment sans gravité !»

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Magie bleue

Répartis en 4 groupes, les élèves ont été invités à imaginer à leur tour des installations magiques qui modifient le principe de réalité. Chaque groupe a ainsi conçu une situation singulière, autour de l’apesanteur ou du reflet : trottivole, miroir magique, fly, objets volants. Puis, chaque situation a donné lieu à la prise de clichés photographiques. L’objectif était de jouer avec le point de vue dans la mise en scène de situations cocasses ou poétiques et de créer une image fixe ambigüe, sans retouche photo. Le groupe « miroir » a utilisé la salle de travaux pratiques en soins du lycée, tandis que les trois autres groupes ont choisi d’illustrer des variantes de la lévitation aux arènes de Mugron, en résonance avec l’inscription du projet à l’événement « Notre canton a du talent » mis en place par la communauté de communes et dont la thématique cette année est la course landaise.

140306_AB_0316140306_AB_0568Toujours dans l’objectif de perturber les codes de lecture de l’image, chaque groupe a également créé une anamorphose au sein du lycée : la tasse, le cube aspiré, le coin fumeur, le banc. Après avoir défini un lieu et dessiné une forme, chaque groupe a matérialisé celle-ci avec de l’adhésif bleu, à partir de la vidéo projection de leur dessin. Puis, ils ont animé leur réalisation par des mises en situation d’eux-mêmes, fixées sur clichés photographiques.

Cette animation dans les couloirs du lycée a suscité un grand intérêt chez l’ensemble des usagers de l’établissement, confirmé par l’installation en mai de l’ensemble des 12 photos sélectionnées et imprimées sur bâches grand format (110cmx73cm). Ces productions seront également exposées dans plusieurs lieux du territoire dans les semaines à venir : à la salle de l’Agora lors de la représentation du 23 mai du spectacle « Déluge » à laquelle assistaient 5 classes de l’établissement, sortie de résidence de création de la Cie Sans gravité accueillie par l’association culturelle Entracte, partenaire de notre projet ; à la médiathèque de Mugron la première semaine de juin, avec médiation par la classe auprès d’élèves de l’école primaire et de tous publics ; aux arènes de Mugron le 22 juin lors d’une course landaise de la saison 2014, à l’office de tourisme de Tartas en juillet enfin.

Ça plane pour nous

Le projet s’est également appuyé sur l’installation magique de la Cie Sans gravité « Le tricot de Denise », présentée au lycée pendant le workshop et qui a servi de support aux réflexions des élèves sur l’illusion. Ce « musée magique », dont la médiation a été confiée à la classe de 1ère SAPAT tant auprès de tous les élèves et adultes du lycée que pour les nombreux visiteurs extérieurs, a connu un franc succès, de par ses installations sur la lévitation (balles en apesanteur jonglant en autonomie, eau s’écoulant d’un robinet sans tuyau d’alimentation, chaise en équilibre sur un pied,…), son univers surréaliste, mais aussi grâce à l’histoire intime narrée par Rémi LASVENES et qui guide le visiteur, promené d’un décor volontairement vieillot à un discours futuriste, dans sa déambulation. Qui se clôt par la question de l’artiste : jusqu’où j’accepte de croire ce que je vois et ce qu’on me dit ? Quelle place pour le rêve dans notre quotidien ?

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En amont de l’atelier, la classe a bénéficié d’un parcours d’exploration de l’univers magique, à travers l’étude en cours d’ESC d’artistes et d’œuvres contemporaines (Cie 14:20, Cie Décalée, Cie l’élan bleu, Cie Monstre(s),…) : grammaire de la magie nouvelle, influences dans les autres champs artistiques (P. Découflé, P. Genty, Romain Lalire, duo Kritoff K.Roll, Cie WHS, Cie du signe,…). Il s’agissait de préparer les élèves à envisager l’expression magique comme un espace de déconstruction-reconstruction du réel et non comme une performance scénique et technique de pur divertissement. Les 23 élèves de la classe de terminale SAPAT A se sont montrés très impliqués dans l’ensemble du projet, attentifs et curieux dans les temps d’apports théoriques par les intervenants sur l’histoire de la magie, le courant actuel de la magie nouvelle, les notions de points de vue et d’image, et enthousiastes et autonomes lors de leurs créations. Et comme tous les visiteurs du « Tricot de Denise », ils ont été bousculés par l’irrationnel, ont réfléchi à la question de la manipulation, ont accepté que le doute, moteur de création et vecteur de rêve, plane. Enfin, en tant que nouveaux initiés en magie, ils se sont engagés à ne pas dévoiler l’envers du décor…

Outre les partenariats locaux mentionnés, le projet a bénéficié des soutiens aquitains de la DRAC, du Conseil Régional et du CRARC. Remerciements aussi à la famille Laplace de Pontonx sur l’Adour, coursayres réputés, qui nous ont prêté des costumes de sauteur et d’écarteur, ainsi qu’à madame Francine Duban de la chapellerie de Mugron pour le prêt des bérets rouges.

Réalisations photos des élèves

Workshops

Making-off des anamorphoses

Compagnie Sans gravité

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